Lecture Méthodique Du Chapitre 23 du Dernier Jour d’un Condamné

Situation du passage :

Ce passage se situe après le transfert du condamné de Bicêtre à la conciergerie en compagnie de cinq gendarmes, de l’huissier et du prêtre.  

Analyse

 1- La description :Une impression de honte se dégage de la description de la conciergerie : porte basse, escalier secret, corridors étouffés et sombres ; comme si on se cache pour pratiquer ce genre de sanction.Une autre impression péjorative se dégage aussi du portrait du friauche : homme vieux, sale, repoussant n’inspirant aucune confiance, regard louche mais renfermant une grande souffrance (sourire amer et éclats de rire incompréhensibles et déplacés).Ce portait s’oppose de façon flagrante à celui du condamné, qui non seulement repousse l’amitié du friauche mais qui aussi ressent de l’horreur et du dégout.

2- Le récit encadré : A l’intérieur du récit fait par le condamné,  intervient un autre récit autobiographique fait par le friauche. Il y raconte sa vie, son parcours dans le domaine du crime, ses échecs, ses tentatives de changement de façon vulgaire mais aussi satirique. On le voit se transformer progressivement en criminel aguerri, récidiviste, galérien pour devenir condamné à mort.Les causes de cette criminalité sont familiales : je n’avais ni père ni mère ; économique : je faisais la roue au bout des routes pour un sou, j’empoignai un pain ; sociale : j’offrais mes journées pour 15 sous,  pour 10, pour 5. Point.

3- La critique de Victor Hugo : A travers l’histoire du friauche, nous comprenons que Victor Hugo critique la société et l’accuse de produire des criminels à cause de la pauvreté, la négligence des enfants orphelins et le rejet et la marginalisation des ex- prisonniers, à qui on refuse une deuxième chance, supprimant ainsi toute réintégration.Le récit du friauche est une occasion aussi pour dénoncer le système judiciaire qui, au lieu de corriger aggrave et amplifie la criminalité, au lieu de réhabiliter exploite, humilie et maltraite.

Le profil d’un criminel :

–       Fils de criminel condamné à mort : « Je suis fils d’un bon peigre… sa cravate »

–       Orphelin dès son plus jeune âge : « A six ans je n’avais plus ni père ni mère »

–       Bagnard dès l’âge de dix-sept ans :  « On m’a envoyé ramer dans la petite marine »

–       Libéré à l’âge de trente-deux ans, son passeport le met dans l’impossibilité de devenir honnête homme « que les diables soient avec le passeport …point »

–       Marginal ( rejeté par la société) : « Je faisais peur, et les petits enfants se sauvaient, et l’on fermait les portes ».

–       Misérable : « sale, en guenilles, demi nu, repoussant à voir »

–       Vulgaire et grossier :  « quel bonheur ! du tabac pour mes six semaines » « Ne me prenez pas à sa place. Diable ! cela ne m’arrangerait pas, maintenant que j’ai de quoi avoir du tabac ».

–       Il n’éprouve ni regrets ni remords à l’égard de ses crimes :  « Avoir volé un mouchoir ou tué un homme, c’était tout un pour moi désormais » « et puis on dansait sur la fosse, pour que la terre ne parût pas fraîchement remuée ».

–       Il a passé par toutes les étapes de l’échelle de la criminalité :  « J’avais déjà passé tous les échelons de l’échelle, excepté un ».

Les registres littéraires dans le texte :

–       Le registre réaliste : Le lecteur du passage ne manquera pas de remarquer l’effet réaliste que l’auteur s’efforce de créer, en effet le récit du Friauche gagne en crédibilité du moment qu’il est raconté par le personnage en question, de surcroît les étapes franchies par le personnage ne laissent aucun doute quant à leur réalité; la violence engendre la violence, le crime enfante un crime encore plus cruel et plus sordide. enfin le vocabulaire dont le Friauche fait usage renforce l’illusion du réel et de l’authentique.

–       Le registre pathétique : L’auteur  éveille la compassion du lecteur vis-à-vis du personnage, en évoquant sa misère, son désarroi et sa condition de marginal.

–       Le registre satirique : l’auteur dénonce et condamne l’injustice de la société tout en la ridiculisant  « J’empoignai un pain,et le boulanger m’empoigna ; je ne mangeais pas le pain, et j’eus les galères à perpétuité » remarquons le décalage entre la  crime ( le vol d’un pain) et le châtiment ( les galères à perpétuité).

–       Le registre ironique : l’ironie consiste à dire le contraire de ce que l’on pense : «  on m’a pris, j’avais l’âge, on m’a envoyé ramer dans la petite marine » «  la belle recommandation ! un galérien » « pour cela je n’avais que trois murs à percer, deux chaînes à couper, et j’avais un clou ».

Conclusion :

L’histoire du friauche est en elle-même un argument pour culpabiliser la société du 19ème siècle. Quoi qu’il soit vulgaire et violent, le friauche avec son récit reste un témoignage poignant qui incite à la réflexion.